Suisse (cantons de Berne et de Fribourg) : à travers l'affaire de Prêles, la législation patrimo
- LoisDMF
- 22 sept. 2018
- 4 min de lecture
Pour les usagers du détecteur de métaux et la législation sur la protection du patrimoine en vigueur pour les cantons de Berne et de Fribourg
Le dernier article (8) de Renaud Malik, pour RTS CULTURE (Rts.ch), soulève dans son titre la problématique d'une interdiction (un jour peut-être ?) de la détection de loisir en Suisse : "Après la découverte à Prêles, faut-il interdire la détection de loisir ?"


Rappel des faits à travers la presse suisse :
Suite au pillage d'objets dans une tombe de l'Âge du bronze, sur le plateau de Diesse, à Prêles (Canton de Berne), le Ministère public de Moutier a été saisi d'une plainte par le canton de Berne (rjb.ch – 2018c) (2) comme le révèle l'archéologue cantonal bernois, Adriano Boschetti (rjb.ch – 2018a et 2018b) (1). Originalité oblige, un des co-inventeurs - qui a découvert l'artefact exceptionnel de l'âge du bronze - envisage de porter plainte « pour laver son honneur » contre le service archéologique du canton de Berne (rjb.ch – 2018c).
Que s'est-il passé ? Un an plus tôt, une jeune détectoriste helvète de treize ans Sarah C. - alias « Sarah Détection » (youtube) et « Lolo Manga Carther (3) » (facebook), initiée par son beau-père Massimo B. - « a assisté l’automne dernier à une découverte qui fera date : une main vieille de 3 500 ans qui passe pour la sculpture en bronze la plus ancienne d'Europe ! » dixit Vincent Dozé (V. Dozé – lematin.ch – 2018) (4). Cela dit, la jeune écolière de Courtelary (BE) - qui a bien compris l'importance de la découverte faite par un ami de son beau-père et ce dernier (5) - a diffusé sur sa chaîne youtube « Sarah Détection (6) » une vidéo intitulée « Notre grande découverte : une main en bronze avec bracelet d'or », sous-titrée « Découverte dans une tombe celtique (7) ». Bien que cette découverte ait été faite au moyen du détecteur de métaux, avec un préjudice certain à la stratigraphie en place, la main en bronze avec bracelet d'or et dague ont été déclarées le lendemain au service archéologique du canton de Berne (Suisse).
Si Sarah a tenu sa langue et qu'une surveillance du secteur a été mise en place, postérieurement « En fouillant les lieux, l’équipe du Service archéologique a mis au jour une tombe contenant les ossements d’un homme adulte au début de l’été 2018. «Elle avait malheureusement subi des dommages importants suite à des travaux récents», déplorent les archéologues. » (V. Dozé – lematin.ch – 2018) ; « Il y a toutefois des indices qui indiquent que des objets auraient malgré tout été volés. Une procédure pénale est en cours [...] » (rjb.ch – 2018b). Il y aurait donc eu une fuite qui a motivé des pilleurs à s'en prendre au site de Prêles (rjb.ch – 2018c). Le quotidien helvète rapporte les propos du co-inventeur, Massimo B., qui « assure qu'il pratique uniquement de la détection de loisir et se dit prêt à aller en justice pour prouver qu'il n'est pas un pillard. » (rjb.ch – 2018c).
Le procureur Raphaël A. traite la plainte du chef du service archéologique bernois. Il affirme que l'affaire est complexe et demande une instruction : « Toute la question est de savoir dans quelles conditions sont faites des fouilles et qui a le droit de les faire » (rjb.ch – 2018c).
Une détection métallique libre ?
Cette affaire a surtout mis en évidence la problématique de la détection clandestine et donc affranchie de toute autorisation légale pour pratiquer librement au sein du canton de Berne.
Un article de Rts.ch affirme le point de vue de Reto Blumer, archéologue cantonal fribourgeois (R. Malik - rts.ch – 2018). Celui-ci est sans équivoque, jusqu'à preuve du contraire la découverte s'est faite dans une zone pour laquelle les détectoristes n'avaient aucune autorisation administrative et sans participer dans le cadre d'une coopération avec le service archéologique. Reto Blumer est formel : « le cordon ombilical qui liait cet objet à son contexte structurel dans le sol a été coupé par les gens qui ont procédé à cette détection non-autorisée » ; « Il ne s'agit pas d'un trésor archéologique, mais d'un objet archéologique qui a été sorti de son contexte sans autorisation. » . Pour l'archéologue, même si les personnes ont une sensibilité suffisante pour le patrimoine archéologique, le fait que le co-inventeur est remis aux autorités cette découverte ne l'excuse en rien sur le plan pénal, l'acte est illégal : « "C'est comme si vous vous muez en un justicier et que vous faites le travail de la police, alors que vous n'êtes pas assermenté comme policier" ».
Et en définitive...
En matière de détection métallique, "l'affaire de la main de Prêles" (9) (Canton de Berne) confirme la législation en vigueur concernant la recherche d'artefacts liée à l'histoire ou l'archéologie.
Si l'acquisition d'un détecteur de métaux est libre, les bases légales de la prospection restent restrictives (elle peut se faire légalement sur une base collaborative avec le service archéologique), ce qui est d'autant plus le cas pour le Canton de Fribourg où la prospection archéologique par des tiers est soumise à l'autorisation du service cantonal d'archéologie.
Toute infraction constatée est passible d'une amende pouvant atteindre 5 000 francs suisses (4 450 euros environ) (R. Malik – rts.ch – 2018).
La loi bernoise stipule que « l’utilisation de moyens techniques pour fouiller le sol afin d’y découvrir des objets archéologiques est soumise à autorisation du service cantonal spécialisé ». En terme de droits à une indemnité équitable, cette même loi précise qu'une indemnité n'est valable que si la découverte a été faite légalement (rjb.ch – 2018c).
Note :
1Article de la rédaction, rjb.ch, du 18 septembre 2018a : « Site archéologique pillé à Prêles ? », « https://www.rjb.ch/rjb/Actualite/Region/20180918-Site-archeologique-pille-a-Preles.html# ; article de ats/boi, rts.ch, du 18 septembre 2018b : « Une main en bronze vieille de 3500 ans retrouvée dans le Jura bernois », https://www.rts.ch/info/regions/berne/9852842-une-main-en-bronze-vieille-de-3500-ans-retrouvee-dans-le-jura-bernois.html ; blob:https://player.rts.ch/26c1a6a4-a49a-4fe8-bd1a-3eb9a25d3128
2Article de la rédaction, rjb.ch, du 20 septembre 2018c : « Main de Prêles : une plainte contre le Service archéologique ? », https://www.rjb.ch/rjb/Actualite/Region/20180920-Main-de-Preles-une-plainte-contre-le-Service-archeologique.html
3https://www.facebook.com/loris.carther.7?fref=gs&hc_ref=ARSSVz8Yq6s4kq41zje2S6UZ72LK06jQOuWqXsri8syjLq_LXHMWMk3duSyY1sSRyOU&dti=54697014140&hc_location=group_dialog ; elle a aussi son compte twitter : https://twitter.com/sarah_fantaisie
4Article de Vincent Dozé, lematin.ch, du 18 septembre 2018 : « Berne - leur main de bronze est unique! », https://www.lematin.ch/suisse/main-bronze-unique/story/10480860
5Reportage de Daniel Bachmann et Aline Saretti, RTS Info – le 1930, https://www.rts.ch/play/tv/popupvideoplayer?id=9853819&startTime=121.105
6https://www.youtube.com/channel/UCCaENZiXKrVxCRD_IIPMc1A
7https://youtu.be/QCD0hDqxA3k
8Article de Renaud Malik, rts.ch, du 20 septembre 2018 : « Après la découverte à Prêles, faut-il interdire la détection de loisir ? », https://www.rts.ch/info/culture/9860152-apres-la-decouverte-a-preles-faut-il-interdire-la-detection-de-loisir-.html
9Cf. les précédents articles.
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