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Orange (84) : Le prévenu numismate et le ministre socialiste

  • Par François Koch - L'Express
  • 11 avr. 2018
  • 5 min de lecture

Un collectionneur en correctionnelle pour détention illégale de

monnaies anciennes a pour client Michel Sapin.

Il est 13h30, le 8 mars 2018, au sein du vieux palais de justice de

Carpentras, un édifice monumental bâti au XVIIe siècle. Une sonnerie

métallique marque l'entrée de trois juges, du substitut du procureur et

de la greffière. L'audience est ouverte.

Guy Maurel, numismate professionnel spécialisé en monnaies très

anciennes, trépigne sur son banc. Cet Orangeois de 68 ans ne supporte

pas d'être renvoyé en correctionnelle comme un vulgaire délinquant. Il

enrage de devoir attendre que soit réglé le sort de deux prévenus

arrivés menottés, extraits d'une prison, l'un pour culture et usage de

cannabis, l'autre pour vol de carte bleue et escroquerie.

Insensible aux boiseries du plafond, aux fresques murales représentants

des femmes et des enfants nus, à la Marianne blanche sur fond de velours

rouge dans un cadre doré, Maurel laisse exploser sa colère : "Je suis

victime d'une chasse à l'homme !"

Qui vise-t-il ? "Les archéologues du ministère de la Culture, ces

pourris !" Manifestement impatient d'en découdre, il brandit déjà sa

"carte maîtresse", selon lui : "L'ancien ministre Michel Sapin m'a

acheté des pièces de monnaies." Il jubile en révélant le nom de cet

homme politique très proche de François Hollande.

Trois douaniers lui tombent dessus

Afin de comprendre le grand courroux de Guy Maurel, il faut revenir un

peu plus d'un an en arrière. Il est pile 8 heures du matin, le 15

janvier 2017, lorsque le numismate se gare sur un parking du quartier de

Luynes à Aix-en-Provence, au volant de son véhicule Citroën C4 Aircross.

Trois enquêteurs des Douanes en tenue civile lui tombent dessus. Ils

présentent leurs cartes professionnelles, lui ordonnent l'ouverture du

coffre pour le fouiller et y découvrent une pioche, un détecteur de

métaux et des monnaies très anciennes. Interrogé sur ces dernières, il

répond aux agents : "Ce sont des objets que je suis venu exposer à la

Bourse d'Aix-en-Provence aujourd'hui." Un quart d'heure plus tard, ils

placent Maurel en "retenue douanière", l'équivalent d'une garde à vue.

Et se rendent à son domicile situé à quelques kilomètres du coeur

d'Orange, une villa en pierres de pays avec un grand jardin planté

d'oliviers, où la fouille se prolonge jusqu'à 13h15.

Une ultime perquisition a lieu dans une agence de la BNP du

centre-ville, dans le coffre de Maurel. Au total, 1 279 objets sont

saisis, principalement des monnaies romaines, gauloises, féodales en or,

en argent et en bronze, des amphores ou des pointes de flèches, pour une

valeur marchande estimée à 284 520 euros. Interrogé par les douaniers,

le spécialiste Xavier Delestre, conservateur régional de l'archéologie,

certifie que ces objets sont des "biens culturels". Il est interdit de

les détenir ou de les transporter. Le tout est placé à la recette des

Douanes de Marseille. Quelle peine maximale encoure Maurel, selon le

code des Douanes ? Trois ans de prison et une amende d'une à deux fois

la valeur de des biens confisqués.

Pioche et détecteur : soupçon de fouilles illégales

"On m'a tout pris", se désole Guy Maurel. C'est comme si le ciel lui

était tombé sur la tête. "Les gabelous ont mis la main sur ce qu'il a de

plus cher", confirme un de ses amis numismates. "Sur 950 monnaies

saisies, 200 m'ont été léguées par mes parents et 450 ont été achetées

sur facture", assure l'intéressé à L'Express. Sauf que, selon nos

informations, les douaniers n'auraient trouvé ni facture de vente à

Maurel, ni la moindre comptabilité permettant une authentique

traçabilité. Les enquêteurs le soupçonnent de s'être livré à des

fouilles illégales, dans une région réputée pour regorger de monnaies

anciennes quasi à la surface du sol.

Pour quel usage avait-il une pioche et un détecteur de métaux dans son

coffre ? "Pour repérer des fils électriques dans les murs", commence par

répondre l'électricien en retraite. Avant d'ajouter, un rien agacé :

"Que ces outils aient été découverts dans mon coffre ne prouve pas

qu'ils m'aient servi à ramasser des monnaies." Il soutient également que

ses pièces ont été surévaluées de 300% : "Ma collection ne trouverait

pas preneur à plus de 70 000 euros". Sauf que, selon nos informations,

l'évaluation a été faite en se fondant en partie sur les étiquettes de

prix apposées sur 4 monnaies sur 5.

Guy Maurel est convaincu d'avoir été ciblé par les archéologues d'Etat

parce qu'il a publié un ouvrage recensant ses trouvailles : "Corpus de

monnaies de Marseille et Provence, Languedoc oriental et vallée du

Rhône, 525 à 20 avant notre ère". Diffusé en 2013, réédité en 2016, il

dit en avoir vendu au total 700 exemplaires. "Et j'aurais été assez con

pour signer un livre exposant mes vols et mes recels ?", s'emporte

Maurel. Il confie un regret : "Michel Sapin n'a pas acheté mon livre."

C'est qu'il parle très volontiers de son célèbre client, avec force

détails, comme s'il espérait que cette vente lui serve de brevet

d'honorabilité. "Il m'a acheté sur eBay quelques oboles pour environ 400

euros et m'a posté un chèque glissé dans une enveloppe de l'Assemblée

nationale."

Sapin : "Je suis hostile aux fouilles illégales"

"C'est tout à fait possible", confie à L'Express l'ancien ministre de

l'Economie et des Finances de François Hollande. Ce grand collectionneur

de pièces depuis son enfance s'intéressait en effet aux oboles de

Marseille lorsqu'il était député de l'Indre, entre 2007 et 2012. A

l'origine, il s'agit de monnaies de la Grèce ancienne qui se sont

répandues en France. "Je suis très heureux de la réforme de 2016,

défavorable aux pilleurs, tient à ajouter Michel Sapin. Comme ministre,

je n'ai jamais répondu au lobby des numismates, car je suis avant tout

un archéologue hostile aux fouilles illégales."

Guy Maurel ne trouvera donc pas le moindre réconfort auprès de son

célèbre client. Le 8 mars, l'heure est à la contre-offensive judiciaire,

menée avec éloquence par son avocat Denis Fayolle. Face aux trois juges

de Carpentras, ce dernier demande l'annulation de toute la procédure.

L'enquête réalisée par les douaniers violerait les droits à un procès

équitable, car ils n'auraient pas transmis les éléments qui les ont

conduits à son client. Second argument : la mise en cause du numismate

s'appuie sur l'avis d'un archéologue qui serait partial, puisque sa

direction a porté plainte. Réplique de l'agent des Douanes à l'audience

: "Nous avons transmis la totalité de notre enquête et nous pouvions

faire appel à un sachant." Le tribunal répondra à ces questions

préalables le 17 mai.

"L'affaire va être cassée, se réjouit Guy Maurel en sortant du tribunal,

manifestement plus décontracté qu'en début d'audience. En mai, c'est

fini." Rien n'est moins sûr, puisque la cour d'appel d'Aix-en-Provence

sera très probablement saisie. Pour savoir si ce prévenu numismate,

vendeur de pièces à un député devenu ministre, sera jugé ou pas, il

faudra demeurer patient.

Source : https://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/le-prevenu-numismate-et-le-ministre-socialiste_1998797.html


 
 
 

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