Quand les maçons font de l'ombre aux détecteuristes de métaux...
- LoisDMF
- 6 janv. 2016
- 5 min de lecture
Un article (1) « bon enfant » présentant un côté sympathique des modestes chasseurs (en quête inavouée) de trésor, seraient-ils concurrencés - comme certains le crient - par les ouvriers et/ou les entrepreneurs du BTP ?

Une activité bien légale. Pourtant, cela prête à sourire, si l'on en croirait certains détecteuristes, le maçon est un rude concurrent qui serait tout autant pilleur de notre patrimoine.
L'article a le mérite d'aborder un sujet sensible, mais il est passé à côté de l'essentiel ; sur un ton jovial, à coups d'interviews, il se cristallise à présenter les principaux protagonistes concernés par la problématique autour de l'usage du détecteur de métaux, à confronter les divergents points de vue sur cette pratique sans pour autant traiter du réel problème qu'est, au final, celui du pillage du patrimoine archéologique : à la base de la situation conflictuelle entre la communauté scientifique et celle des détecteuristes.
S'apparentant à des Indiana Jones, sans pour autant être archéologues et rompus aux méthodes et techniques de fouilles et d'investigations scientifiques, ces derniers sont des chasseurs de trésor, au profil varié et aux expériences diverses.
À travers l'article de L. Télo, ils partagent leur expérience de terrain illicite, cachée et leur point de vue sur leur pratique interdite, nommée communément « la détection de loisir » à des fins d'utiliser un détecteur de métaux - si l'on peut les croire – selon nombreux motifs fallacieux : prendre l'air, ramasser des merdouilles (y compris par un fonctionnaire X de Police qui pratique dissimulé des regards, mais qui déconseille aux autres de pratiquer illégalement sous peine de poursuites : nul n'est censé ignorer la loi... et la qualité de ce fonctionnaire ne l'excuse en rien, ni ne doit légitimer ces agissements), d'accumuler chez soi « certes » un butin extrait « au hasard » qui rejoint les autres et de dépolluer les sols.

Trou de détecteuriste creusé probablement à moins de 40 cms de la surface...
sans autorisations préalables et sur un site archéologique dans le Sud de la France
Mis à part le risque périlleux, celui de déterrer une mine ou une grenade ensevelie, on aurait pu alors s'attendre à une explication commentée sur les risques encourus avec un détecteur de métaux dès lors de l'introduction au hasard sur une propriété (que ce soit celle du domaine public et/ou du privé) sans autorisation quelconque, préalable, de commencer alors une collection (même d'objets du temps présent : après-guerre)... illicite, répréhensible (y compris avec des monnaies intéressant l'histoire des époques de Napoléon III, Louis XVI), de dépolluer des sols (portant atteinte aux futures couches archéologiques qui se mettent en place), mais encore à un rappel succinct de la réglementation en vigueur et des risques encourus afin d'informer les usagers, en dehors des clous, qui s'ignorent.
Laconiquement, seule la peine d'emprisonnement de deux ans et les 4 500€ d'amende sont évoqués pour celui qui fait l'acquisition sans autorisation d'objets intéressant la préhistoire, l'art, l'histoire ou l'archéologie. Cela dit, avant d'en arriver là, le détecteuriste sait-il qu'il encourt déjà une contravention de 5e classe (1 500€ d'amende) pour usage illégal de détecteur de métaux, d'une amende de 7 500€ pour fouille clandestine et de sept ans d'emprisonnement et de 100 000€ d'amende pour le vol de mobiliers archéologiques (et historiques) ? Fort heureusement, il est certes fait allusion à l'article 716 du Code civil, réglant le partage d'une découverte entre « inventeur » et propriétaire ; mais précisons-le plus clairement, uniquement lorsque cette découverte est le seul fruit du hasard (l'emploi du détecteur de métaux ne le permet donc pas).
Il est plus que vrai... il faut effectivement pour l'usager du détecteur de métaux se contenter de collecter, en surface et sans creuser, des objets intéressant le seul « temps présent » (clous et piles) et ce, s'il ne veut pas être affublé d'une mauvaise image. Pourtant, celle-ci lui colle de plus en plus à la peau, car si la majorité des détecteuristes ne se rend pas sur un site archéologique et/ou historique connu, recensé, inscrit et/ou classé comme elle l'affirme ; elle s'introduit tout de même sur des propriétés (bien souvent sans autorisation écrite) en dérobant des objets - même de ce temps présent - qui ne leur appartiennent pas, le Code pénal qualifie cet acte de vol (trois ans d'emprisonnement et 45 000€ d'amende), tout comme l'est - dans un verger à autrui - le vol de fruits sur un pommier. Certes, cette communauté de détecteuristes paraît plus consciente de la législation ou préfère l'ignorer, le plus souvent s'ignore en tant que pilleur ; elle se dissocie des pilleurs plus chevronnés, à l'esprit mercantile, au même mode opératoire tout autant proscrit, elle justifie ses actions punissables (la loi est ainsi faite) en prétextant exercer une activité de loisir (ou de dépollution) qui, comme le précisait dans ledit article évoqué Dominique Garcia, président de l'INRAP, n'est pas légal par principe et s'apparente à du marketing. On peut déplorer l'image négative et injustifié d'inquisiteur donné à ce scientifique hors-pair qui n'a comme seule préoccupation - pour les générations futures - les atteintes portées à notre patrimoine archéologique ; le professeur Garcia invite consciencieusement les passionnés de la « poële à frire » à abandonner une activité répréhensible, à rejoindre le camp de la sagesse et de la raison en contribuant bénévolement à certains chantiers archéologiques.
À l'exception, des quelques points essentiels, occultes, passés sous silence, l'article ponctue et conclut dans le sens du patron de l'INRAP, car quoi que la communauté de détecteuristes prétexte ou en pense fallacieusement, les objets trouvés – dans les faits, c'est-à-dire « pillés » - par ses membres, enrichissent en premier ressort des collections personnelles et se vendent à prix d'or à la sauvette sur certains vide-greniers, voire sur divers groupes Facebook, sur Leboncoin, Ebay etc. Il n'y a qu'à consulter ces annonces aux identités affirmées pour le constater, la vérité est lisible au quotidien sur ces pages mercantiles du net. Notre patrimoine archéologique national est bien bradé, il enrichit certains pilleurs – quels qu'ils soient – qui tournent le dos à ces objets qu'ils ont convoités et les ont rendus euphoriques quelques secondes, ceux appartenant à une histoire qui ne peut plus s'écrire : ceux sortis de leur contexte archéologique ; aussi, ils bafouent par leurs actes insensés la mémoire collective.
Un des interviewés, chasseur de trésor reconnu, étonné, méritait tout autant une réponse à la question qu'il avait posée dans cet article sur le fait que la communauté de détecteuristes s'intéressait aux objets qui se trouvaient enfouis ou retournés du sol à une profondeur maximale de 40 cms, le reste au-delà laissés aux archéologues. Il n'y a pourtant pas à se surprendre de la législation en vigueur (2), ce qui l'est, c'est le cadre légal qui est bafoué : c'est cela qui dérange. Cette question méritait tout autant une réponse de la part d'un agent assermenté ou d'un enquêteur judiciaire. Il lui aurait été expliqué que, sur le terrain, l'agent n'est là que pour constater des faits et faire respecter la loi dans l'intérêt des victimes (potentielles). Outre son détecteur de métaux, sa pelle US et son propointer, a-t'on déjà vu un détecteuriste se promener dans un labour avec une règle graduée centimétrique pour opérer des fouilles clandestines ? faudrait-il poser la question aux forces de l'ordre ? Ignore-t'il encore que certains sites affleurent les sols avec ou sans effet de l'érosion et du temps ?
Finalement, à la lueur opaque de cet article et du dernier interview, au demeurant mercantile, que penser des maçons qui paraissent être les boucs émissaires circonstanciés : vrais (faux) pilleurs de notre patrimoine ? Quoi qu'ils en soient, s'ils découvrent fortuitement des trésors cachés chez leurs clients (dont particuliers) pour qui ils oeuvrent, eux seuls – sans détecteur de métaux – peuvent prétendre à un partage et à l'application de l'article 716 du Code civil, bien évidemment sans qu'ils oublient de déclarer en mairie leur découverte hasardeuse et opportune.
LoisDMF
(1) Source : http://www.lemonde.fr/m-actu/article/2015/12/31/les-chasseurs-de-tresors-preferent-se-cacher_4840248_4497186.html
(2) Il est plus surprenant de s'étonner de ceux qui n'en tiennent pas compte.
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