Détecteurs de métaux et pillage : le patrimoine archéologique national en danger
- Conseil National de la Recherche Archéologique
- 3 oct. 2015
- 18 min de lecture
A la suite du pillage du site archéologique de Noyon (Oise), survenu dans la nuit du 8 au 9 février 2010, Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication (MCC), a demandé au Conseil national de la recherche archéologique (CNRA) de constituer un groupe de réflexion afin de lui fournir une série de propositions susceptibles d’améliorer durablement le dispositif de protection du patrimoine archéologique face à cette menace (communiqué de presse du 15 février 2010).
Le site de Noyon a été pillé alors qu’un diagnostic archéologique était en cours de réalisation par une équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP). La détérioration des niveaux archéologiques et la disparition des objets de Noyon représentent une perte définitive et irrémédiable pour le patrimoine national. Ce pillage n’est malheureusement pas un cas isolé ; il est seulement plus visible que d’autres, pratiqués quotidiennement sur des sites, qu’ils soient identifiés ou encore inconnus de la communauté des chercheurs, en cours d’exploitation scientifique ou non. Il révèle des pratiques de plus en plus fréquentes, liées d’une part à l’augmentation du nombre d’utilisateurs de détecteurs de métaux sans autorisation de l’État (articles L. 542-1 et L. 542-2 du code du patrimoine) dans notre pays et d’autre part à une application insuffisante de la loi.
Le patrimoine national connaît une menace sans précédent dans son histoire. Même si cela sonne comme une évidence, il faut rappeler que les données archéologiques représentent une ressource finie qui n’est donc pas inépuisable et que la recherche des objets archéologiques en tant que telle n’est pas une fin en soi. Il est urgent de renforcer la vigilance à tous les niveaux pour préserver ce qui peut l’être encore. Comme dans d’autres pays du monde, la lutte contre la détection illégale représente en France un enjeu majeur pour la préservation du patrimoine archéologique et historique. Le groupe de travail du CNRA, réuni à plusieurs reprises au cours de l’année 2010 pour réfléchir à cette question, pose dans son rapport plusieurs constats, assortis de dix propositions concrètes, adaptées à différents niveaux de la chaîne opératoire de l’archéologie française, qui pourraient permettre d’enrayer des destructions irréparables. - I - Situation actuelle : détecteurs de métaux, pillage et cadre réglementaire
Il y a maintenant plus de 20 ans que la loi n°89-900 du 18 décembre 19891, codifiée dans le code du patrimoine (articles L. 542-1 à L. 542-3) a réglementé l’utilisation des détecteurs de métaux. Malgré cela, cette pratique n’a cessé de perturber et d’entraver l’étude et la préservation du patrimoine archéologique depuis les années 1970. Tous les archéologues ont été confrontés à un moment ou à un autre au pillage archéologique - petit, grand, anarchique ou organisé -, que ce soient les agents des services régionaux de l’archéologie (SRA), des musées ou les responsables des chantiers de fouilles autorisés par l’État.
Que l’on parle de détection ou de chasse au trésor, ces expressions recouvrent une seule et même activité : sonder le sol à l’aide d’un détecteur de métaux, extraire, sans méthodologie scientifique, des objets métalliques et les collecter. Si c’est bien le mobilier métallique qui est avant tout visé,son extraction implique la disparition des indices de surface, la pénétration dans des structures etdes couches archéologiques, la destruction des liaisons stratigraphiques et bien évidemment, ledéplacement et la disparition définitive et irrémédiable des vestiges essentiels pour la datation et lacaractérisation des sites.
Le présent rapport ne traite que de la question de l’utilisation sans autorisation de l’État des détecteurs de métaux et du pillage des objets métalliques, mais il ne faut pas minimiser l’impact des pilleurs spécialisés dans la recherche d’autres mobiliers (de silex, de pierre ou de céramique) qui dégradent des sites de toutes les périodes, du Paléolithique jusqu’à nos jours.
La question du pillage archéologique est un phénomène mondial. Pour ce qui les concerne, les pays européens y apportent des solutions diverses mais aucune ne s’avère parfaitement efficace à l’heure actuelle. En Allemagne, la réglementation diffère selon les Länder et crée des disparités régionales. En Angleterre et au Pays de Galles, la détection est légale si elle est organisée hors d’une liste de sites classés, et les objets découverts doivent être obligatoirement déclarés.
Les articles L542-1 à L 542-3 du code du patrimoine codifient la loi n° 89-900 du 18 décembre 1989 relative à l'utilisation des détecteurs de métaux : - L.542-1 : Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d'objets métalliques, à l'effet de recherches de monuments et d'objets pouvant intéresser la préhistoire, l'histoire, l'art ou l'archéologie, sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche. - L.542-2 : Toute publicité ou notice d’utilisation concernant les détecteurs de métaux doit comporter le rappel de l’interdiction mentionnée à l’article 1er de la présente loi, les sanctions pénales encourues, ainsi que les motifs de cette réglementation. - L.542-3 : Un décret en Conseil d’Etat fixe les conditions d’application du présent chapitre. Le décret n° 91-787 du 19 août 1991 pris pour l’application […] de la loi n° 89-900 du 18 décembre 1989 précise : - Art. 1 : L'autorisation d'utiliser du matériel permettant la détection d'objets métalliques, prévue à l'article 1er de la loi du 18 novembre 1989, est accordée, sur demande de l'intéressé, par arrêté du préfet de région dans laquelle est situé le terrain à prospecter. La demande d'autorisation précise l'identité, les compétences et l'expérience de son auteur, ainsi que la localisation, l'objectif scientifique et la durée des prospections à entreprendre. Lorsque les prospections doivent être effectuées sur un terrain n'appartenant pas à l'auteur de la demande, ce dernier doit joindre à son dossier le consentement écrit du propriétaire du terrain et, s'il y a lieu, celui de tout autre ayant droit. L’arrêté accordant l’autorisation fixe les conditions selon lesquelles les prospections devront être conduites. Lorsque le titulaire d’une autorisation ne respecte pas les prescriptions, le préfet de région prononce le retrait de l’autorisation. - Art. 2 : Quiconque aura utilisé à l’effet de recherches mentionnées à l’article 1 de la loi du 18 décembre 1989, du matériel permettant la détection d'objets métalliques sans avoir auparavant obtenu l'autorisation prévue à l'article 1er du présent décret ou sans avoir respecté les prescriptions de cette autorisation sera puni de la peine d'amende applicable aux contraventions de la 5e classe. Le matériel qui aura servi à commettre l'infraction pourra être confisqué. En Irlande, le système est plus restrictif car il est interdit de posséder et d’utiliser un détecteur demétaux sans licence. De même, au Portugal, l'usage du détecteur est soumis à l’obtention d’une licence spécifique, et le transport des appareils est également réglementé.
Quel que soit le système choisi, le respect et l’application des lois posent des problèmes dans les différents pays européens, qui connaissent comme la France, une augmentation des pillages et des destructions de sites archéologiques.
Le système britannique qui tend à banaliser la prospection au détecteur de métaux, est érigé en modèle par les adeptes de la détection en France. Ce modèle a pourtant un écho très marginal dans les autres pays européens et il est très critiqué par les archéologues britanniques qui constatent que la déclaration obligatoire des objets trouvés au détecteur ne peut pas être contrôlée. Dans ce pays, les grands pillages ont considérablement augmenté ces dernières années et le patrimoine enfoui a été gravement détérioré, certaines zones étant considérées, de l’aveu même des adeptes de la détection, comme « hammered », c’est-à-dire littéralement « matraquées », ce qui signifie vidées de leurs objets.
En France, le lobby de la détection tente de faire modifier la loi pour obtenir du législateur la légalisation de l’usage du détecteur de métaux sur le modèle anglais et il s’adresse directement aux députés et aux services du ministère de la Culture et de la Communication. Derrière le détecteur de métaux se cache un secteur d’activité, non négligeable sur le plan économique, et d’autant plus revendicatif qu’il tient à survivre dans un contexte légal qui lui est défavorable. Les utilisateurs de détecteurs de métaux sans autorisation tentent de faire accepter l’idée qu’ils exercent un loisir inoffensif de « bon père de famille », revendiquant à l’origine une activité « non concurrente » de l’archéologie. Cette revendication étant totalement rejetée par les milieux scientifiques, le discours s’oriente désormais vers le désir de se positionner en tant qu’auxiliaires providentiels de l’archéologie, pour faire profiter la recherche de ces découvertes pourtant illégales.
Les utilisateurs de détecteurs de métaux sans autorisation ont inventé l’expression « détection de loisir » de manière à ne pas être confondus avec les « pilleurs professionnels ». Pourtant leur action est tout aussi illégale que celle des pilleurs et receleurs internationaux : les uns comme les autres n’ont ni l’autorisation d’utiliser un détecteur de métaux ni celle de fouiller. Leur activité est tout aussi destructrice que celle des « pilleurs professionnels » car dans tous les cas ils prélèvent des objets dans des couches archéologiques, détruisent les sites et affectent leur organisation spatiale et stratigraphique. L’argument selon lequel ils ne toucheraient que les niveaux supérieurs bouleversés dont l’intérêt archéologique serait mineur n’est pas recevable, car l’archéologie étudie autant la stratigraphie que les liaisons spatiales, dans tous les niveaux d’un site.
Sur le plan de l’impact archéologique, rien ne distingue les « pilleurs professionnels » des « pilleurs du dimanche », à ceci près que les premiers sont peut-être moins nombreux. Les seconds seraient au moins 10 000 sur le territoire national (nombre estimé de pratiquants actifs, sans compter les occasionnels2). Leur action de destruction est donc colossale et, si on cumule leurs délits, on peut estimer qu’ils prélèvent des centaines de milliers d’objets chaque année, soit plus de 10 millions d’objets pillés depuis la publication du décret de 19913. Il y a bien sûr une relation de cause à effet avec la croissance du marché des détecteurs qui s’est considérablement développé en Europe : on peut trouver très facilement un appareil sur Internet, dans une armurerie ou dans un magasin de centre ville. Le marché du pillage s’est tellement développé que la technologie des appareils a progressé de manière spectaculaire : on trouve aujourd’hui sur le marché des détecteurs dont le perfectionnement n’est destiné qu’au pillage archéologique (profondeurs accrues, discrimination des métaux, etc.). Les professionnels des travaux publics n’ont jamais besoin de matériel aussi sophistiqué, les archéologues non plus.
Avec la volonté de légaliser leurs activités, les utilisateurs de détecteurs de métaux sans autorisation voudraient être reconnus comme des contributeurs à l’étude du patrimoine archéologique. Mais ils méconnaissent les principes de l’archéologie et ignorent (ou feignent d’ignorer) que les données archéologiques ne se limitent pas aux objets.
Il existe plusieurs types de pilleurs, plus ou moins actifs, plus ou moins destructeurs. Mais les motivations essentielles de l’activité portent sur un désir de collectionner avec pour certains le fantasme d’une fortune ou d’une reconnaissance individuelle. Ainsi, en 2009, un chômeur de 55 ans exhumait près de 1 500 objets divers du haut Moyen Âge dans le comté de Staffordshire en Angleterre. Les médias européens se sont fait l’écho de cette découverte, louant la fortune soudaine de l’inventeur : les ventes de détecteurs de métaux ont considérablement augmenté en Europe à la suite de ce pillage.
Au cours des dix dernières années, le phénomène de la détection a pris des proportions incontrôlables, stimulé principalement par le développement d’Internet qui a permis aux marchands de détecteurs de métaux, aux receleurs d’objets archéologiques, aux forums de discussions, aux revues spécialisées d’avoir pignon sur rue, de faire une énorme publicité et de créer un réseau d’adeptes qui sont de moins en moins hésitants, de moins en moins inquiets.
La loi est peu ou mal appliquée, et sa mise en oeuvre montre de grandes disparités selon les régions françaises. Dans les faits, la loi du 18 décembre 1989 est pourtant explicite et stricte, mais d’application difficile. En effet, le phénomène a pris une ampleur telle que les services publics en charge de l’application de cette loi sont débordés. En outre, les autorités locales susceptibles de veiller à la protection des sites sont insuffisamment informés de son existence et insuffisamment sensibilisés aux conséquences du pillage.
La situation actuelle est donc préoccupante à plusieurs titres : - sur le plan scientifique, la détection sans autorisation véhicule une conception générale erronée de l’archéologie et des principes de la recherche, comme le disait déjà le Conseil de l’Europe en 1981. Elle prive les archéologues de matériaux indispensables à la datation et à la caractérisation des sites ; - sur le plan juridique, l'utilisation d'un détecteur de métaux « à l’effet de recherches de monuments et d’objets pouvant intéresser […] l’archéologie » est une infraction au sens du code du patrimoine ; - sur le plan patrimonial, la détection pratiquée « sans avoir, au préalable, obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche », mutile le patrimoine archéologique enfoui et gaspille, pour des intérêts privés, une ressource publique non renouvelable. Par ailleurs, la détection illicite dépouille les propriétaires des terrains sur lesquels se déroulent ces prospections et empêche l’Etat de revendiquer des découvertes qu’il pourrait juger utiles de faire entrer dans ses collections. - II – Diverses actions sont envisageables
Le premier impératif est de faire prendre conscience à nos concitoyens que le patrimoine archéologique de notre pays n’est pas illimité et que, contrairement à d’autres ressources rares, il n’est pas renouvelable. C’est un bien collectif qu’on ne peut pas gaspiller pour un profit personnel. Chacun, à sa place, devrait contribuer à sa protection. A cet effet, le CNRA, se souvenant de l’impact de la campagne initiée par le ministère de la Culture en 1980 « Laissons l’histoire en place », propose une série, non limitative, d’actions de communication et d’information.
Cette éducation peut contribuer à amener des curieux d’histoire et passionnés du passé, équipés actuellement de détecteurs de métaux, à changer d’attitude. Il faudrait pouvoir les accueillir dans les rangs d’associations d’archéologues bénévoles travaillant sous le contrôle des SRA ou sur les chantiers archéologiques autorisés par l’Etat, mais à la condition qu’ils renoncent à la détection (et à la fouille) non autorisée : c’est-à-dire qu’il leur faut renoncer à utiliser un détecteur de métaux librement et là où ils veulent, à l’instar des archéologues (professionnels ou amateurs) qui ne peuvent intervenir librement et sans autorisation.
D’autres mesures, plus radicales, doivent naturellement être envisagées pour limiter l’usage des détecteurs de métaux. Elles visent à une amélioration des textes législatifs et réglementaires, mais appellent d’abord un renforcement de la répression et des contrôles. Il ne faut pas taire que la solution idéale, simple, radicale et efficace serait d’interdire la vente libre des détecteurs de métaux et leur utilisation sans autorisation en France. Mais le CNRA est bien conscient que la mise en pratique d’une telle mesure est utopique, vaine et attaquable car elle toucherait à la notion de liberté de commerce et d’industrie. Il faut donc imaginer une solution intermédiaire qui permettrait de conserver l’esprit de la loi du 18 décembre 1989 précitée codifiée, tout en la remaniant partiellement mais efficacement.
Cette solution passe par la nécessité de rendre l’acquisition et l’utilisation d’un détecteur de métaux plus contraignante qu’elle ne l'est aujourd’hui ; il est également fondamental de clarifier les interdictions.
- III - Propositions du CNRA
Le CNRA formule ci-après 10 propositions. Les deux premières, visant à renforcer le cadre juridique relatif à l’utilisation des détecteurs de métaux, sont fondamentales.
III. 1- Immatriculation et enregistrement des détecteurs de métaux
Ce dispositif, associant immatriculation et autorisation préfectorale, devrait permettre de mieux contrôler cette activité dans notre pays. L’immatriculation obligatoire de tous les détecteurs utilisés sur le territoire national permettra de contrôler les détenteurs de ces appareils grâce à la mise en place d’un fichier national. Le renforcement du dispositif réglementaire a aussi pour objectif de dissuader un grand nombre d’acheteurs potentiels. Il faut donc rendre obligatoire l’enregistrement individuel (immatriculation) des détecteurs de métaux sur un fichier national, y compris pour le stock existant. - L’immatriculation doit concerner les appareils achetés, sur le territoire national comme à l’étranger. La vente par correspondance (et via Internet) doit participer à cet enregistrement en fournissant un formulaire à remplir par l’acheteur français. - L’enregistrement et la gravure du numéro d’immatriculation des détecteurs de métaux doivent être placés sous la responsabilité du vendeur. - Au moment de l’achat, l’acheteur doit signer un document qui dispose qu’il a pris connaissance de la loi et notamment de l’obligation de demander une autorisation pour utiliser son détecteur de métaux. - Ce document doit être remis au SRA correspondant à la région de résidence de l’acheteur, pour enregistrement et transmission à la Sous-direction de l’archéologie. - L’immatriculation et la signature de ce document par le possesseur du détecteur de métaux permettent la délivrance d’une carte dont la présentation est obligatoire lors de tout contrôle. Le détecteur de métaux peut certes relever d’une personne physique ou morale (association, opérateur, etc.), mais l’autorisation doit être, par nature, nominative. - Toute cession d’appareil doit également être soumise à déclaration. Il faut préciser et rappeler les conditions d’obtention de l’autorisation d’utilisation des détecteurs de métaux (s’inspirer de l’art. L. 532-7 du code du patrimoine). - Il est nécessaire de compléter le décret n° 91-787 du 19 août 1991 précité. - L’autorisation ne peut être délivrée par un SRA que sur présentation du numéro d’immatriculation, de la carte et de l’autorisation du ou des propriétaires des terrains (cf. art. L. 531-2 du code du patrimoine). - L’autorisation délivrée par l'Etat doit être limitée dans le temps. - La délivrance d’une autorisation d’utilisation d’un détecteur de métaux rend obligatoire la remise d’un rapport scientifique (rapport de prospection, de sondage, de fouille…) qui doit être, selon la règle commune, évalué par la Commission interrégionale de la recherche archéologique compétente. - Une circulaire d’application doit recommander aux SRA de veiller à la stricte application de cette autorisation, y compris dans le cas de fouilles autorisées par ailleurs. Il s’agit bien d’une autorisation spécifique pour l’usage d’un détecteur de métaux. Il faut verbaliser le contrevenant sur place en cas d’infraction. - Toute personne utilisant un détecteur devra présenter deux documents : le numéro d’immatriculation (carte individuelle avec numéro d’immatriculation et identité) correspondant à l’appareil qu’il détient et l'autorisation de l’Etat d’utiliser un détecteur de métaux. - Ce dispositif comporte donc deux niveaux de contrôle : l’un administratif, pour détention de matériel, l’autre scientifique, pour son usage archéologique.
- III. 2- Précisions à apporter sur le champ d’application de la loi
Un changement dans la formulation de l’article L. 542-1 du code du patrimoine apparaît fortement souhaitable. En effet, une interprétation de cet article, répandue chez des utilisateurs de détecteurs de métaux, laisse entendre que l’interdiction ne concerne que les sites archéologiques connus, recensés et enregistrés. Il paraît nécessaire de mettre en avant l’idée que la France entière est un « réservoir de données archéologiques » et que la détection d’éléments de ce patrimoine est interdite « en tout point du territoire national », car la présomption de l’existence d’un site ne peut jamais être exclue à priori. L’article L. 542-1 du code du patrimoine devrait être complété : après « Nul ne peut utiliser », il conviendrait d’ajouter les mots « en tout point du territoire ». Cette précision permettrait de lever une ambiguïté et de rendre inopérant l’argument selon lequel la prospection serait libre en dehors des sites archéologiques recensés. Une peine supplémentaire pourrait être ajoutée dans le code du patrimoine en cas de condamnation pour pillage d’un site archéologique (comme cela est prévu à article L. 544-4 : « une mesure de peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l’article 131-35 du code pénal »). Cette « publicité », faite aux frais du condamné, dans la presse locale et / ou dans une revue spécialisée marquerait fortement la volonté de l’État de faire respecter la loi.
III. 3- Connaissance et application de la réglementation
Cette nécessité de connaître et appliquer la réglementation s’impose aux nombreux acteurs qui, à un degré ou à un autre, sont concernés par le problème du pillage des sites archéologiques à l’aide de détecteurs de métaux. Ainsi, il faut : - au sein des Directions régionales des affaires culturelles, veiller à ce que tous les agents des Services régionaux de l’archéologie soient à jour de leur assermentation afin qu’ils puissent dresser les procès verbaux en cas de constat, - rendre possible l’assermentation et le commissionnement des agents des services archéologiques de collectivités territoriales et des agents de l’INRAP, - faire connaître la réglementation archéologique aux commissaires priseurs, aux numismates, etc., - inciter les enseignants dans les universités à faire connaître la réglementation et la loi aux étudiants en archéologie, - introduire des notions de la réglementation spécifique au patrimoine archéologique dans le code de déontologie des musées, - améliorer la sensibilisation des parquets et des magistrats à la protection du patrimoine, - améliorer la sensibilisation des gendarmes, de la police et des douaniers à la réglementation archéologique, - prohiber les messages publicitaires associant promotion des performances des matériels de détection de métaux ou recherche de trésors et patrimoine archéologique.
III. 4- Accès Internet et diffusion des données de localisation des sites archéologiques auprès du public sur les bases de données du MCC
Le CNRA recommande que toute diffusion d’une information relative au patrimoine archéologique soit accompagnée d'un rappel des règles relatives à leur exploitation : - dans les SRA : la fiche de consultation de la Carte archéologique nationale doit être signée par tout consultant de la base de données, qui reconnaîtrait ainsi accepter des conditions d'utilisation et de confidentialité des données, - chaque volume de la Carte archéologique de la Gaule (nouvellement édité ou réédité) devrait comporter, en début d’ouvrage, un avertissement sur la fragilité des patrimoines archéologiques ainsi qu’un rappel de la loi et des risques encourus en cas d’acte illégal, - cet avertissement sur la fragilité du patrimoine archéologique doit être appliqué aux supports éditoriaux tels que les Bilans scientifiques régionaux et Actes des journées archéologiques régionales…(consultés par les professionnels de l’archéologie, amateurs bénévoles mais aussi par les possesseurs de détecteurs de métaux), - cet avertissement doit aussi figurer sur les sites Internet des DRAC, dans les publications archéologiques subventionnées par le MCC, sur les panneaux de chantiers archéologiques de l’INRAP, chantiers de fouilles programmées, etc.
III. 5- Mise en place d’une veille juridique
Le CNRA recommande que le MCC prenne en charge la veille juridique et technique pour les infractions commises en France à la législation relative à l’utilisation des détecteurs de métaux. Compte tenu de l’importance de cette tâche, il serait souhaitable qu'un agent soit affecté à cette mission : - surveillance du trafic de biens culturels archéologiques sur Internet (ventes illégales d’objets, forums de détection, publicité illégale…), - surveillance de la presse spécialisée (détection, chasse aux trésors…). Il convient, en outre, que les SRA fassent remonter régulièrement les informations concernant les infractions constatées vers la Sous-direction de l’archéologie : cette remontée d’informations pourrait être facilitée par la restauration du réseau des « correspondants des Antiquités » qui assuraient le lien essentiel entre bénévoles et professionnels de l’archéologie, avant la réforme des Services régionaux de l’archéologie. Cette fonction bénévole pourrait concerner un ou plusieurs correspondants dans chaque département.
III. 6- Déontologie des professionnels de l’archéologie
Le CNRA recommande l’adoption d’une charte de déontologie, à diffuser dans tous les milieux professionnels de l'archéologie. Cette charte devrait être affichée dans les locaux professionnels et d’activités : Services régionaux de l’archéologie, instituts de recherche, INRAP, CNRS, Universités, musées, collectivités, laboratoires, entreprises privées, associations de bénévoles. Elle comprendra un article concernant les détecteurs de métaux par lequel l'archéologue s'engage : - à ne pas utiliser de détecteur sans autorisation, - à ne pas collaborer avec des personnes non autorisées par l'État, - à être vigilant sur les conséquences possibles de la communication, - à ne pas mentionner ni se référer, dans ses publications, à du mobilier d’origine douteuse (« mobilier gris »), issu de découvertes illicites, afin de ne pas encourager le pillage. Un groupe de travail du CNRA pourrait se charger de l’élaboration de cette charte.
III. 7- Déontologie des musées
Parallèlement à cette charte, les musées acquéreurs de mobilier archéologique doivent renforcer leurs contrôles et procéder systématiquement à une enquête sur les objets qu'ils convoitent (traçabilité) par le biais des commissions d’acquisition des musées pour les Musées de France et les Musées nationaux. Les Directions régionales des affaires culturelles concernées (Services régionaux de l’archéologie et conseillers musées) doivent, parallèlement, enquêter sur l’origine des objets convoités par les musées.
III. 8- Autorisations de fouilles archéologiques
Le CNRA insiste sur la nécessité pour le MCC de réaffirmer le cadre légal de l’usage des détecteurs de métaux en renforçant les conditions de délivrance des autorisations de prospection, sondages, fouilles préventives et programmées, dans les milieux terrestre, sous-marin et subaquatique. Les prescriptions émises par les Services régionaux de l’archéologie doivent rappeler qu’une autorisation spécifique doit être demandée si le responsable d’une opération archéologique préventive envisage l’utilisation d’un détecteur de métaux. En ce cas, il doit indiquer l’immatriculation de son détecteur de métaux. Pour chaque fouille préventive (concernant l’âge des Métaux et/ou les périodes postérieures), les Services régionaux de l’archéologie doivent délivrer une autorisation de détecter à l’opérateur : il faut en effet systématiquement extraire les objets métalliques après la fouille et avant la levée de la contrainte archéologique. Cette mesure devrait permettre d’éviter les pillages des sites délaissés à la suite d’une fouille préventive.
III. 9- Communication à la presse et valorisation des découvertes archéologiques pendant le déroulement des opérations archéologiques
Le CNRA insiste sur la nécessité de faire, clairement et le plus fréquemment possible, référence au cadre légal de l’usage des détecteurs de métaux. Des recommandations, à destination de l’INRAP et des opérateurs agréés, doivent rappeler que : - la communication à la presse, pendant les diagnostics, n’est, en règle générale, pas souhaitable, - si la communication est souhaitable lors d’une fouille préventive, elle doit être conditionnée par la capacité du maître d'ouvrage à assurer la sécurité du site, - les conséquences engendrées par toute communication à la presse, notamment dans le cadre des sites partiellement fouillés, doivent être correctement mesurées. Il est souhaitable qu’en cas de découverte douteuse relayée par la presse, la Direction régionale des affaires culturelles / Service régional de l’archéologie et la Direction générale des patrimoines / Sous-direction de l’archéologie, réagissent également dans la presse. Sur tous les chantiers d’archéologie préventive et programmée, il est recommandé qu’un panneau d’information comporte un encart faisant rappel de la loi à propos de l’usage des détecteurs de métaux.
III. 10- Communication du MCC sur le thème du patrimoine archéologique national
Le CNRA préconise que le MCC communique largement sur les trois grands thèmes suivants : - « La détection de loisir n'existe pas » - « La France entière est un site archéologique » - « Le patrimoine archéologique n’est pas une ressource inépuisable », c’est une ressource non renouvelable. Le MCC doit rappeler, par tous les moyens possibles, que l'archéologie n'a pas pour but d’alimenter un commerce d’antiquités ; elle travaille à restituer l'histoire de l'humanité. Le MCC doit organiser une exposition (Musée d’Archéologie Nationale) sur le thème du pillage archéologique, accompagnée d'un dossier spécial (type Archéologia/Dossiers de l’archéologie) destiné au grand public et relayée sur les grands médias. La campagne d'affichage du type « Laissons l'histoire en place » (qui avait bien marqué les esprits dans les années 1980) doit être renouvelée. Une image forte et comparative peut être utilisée pour illustrer le sujet : « Si on effaçait un mot sur deux, que resterait-il des archives écrites ? »
Pour conclure
Au-delà des actions à entreprendre en premier lieu sur le territoire national, le CNRA suggère que le Ministre de la Culture et de la Communication prenne l’attache de ses collègues européens pour tenter d’élaborer une recommandation sur le sujet du pillage des sites archéologiques via le Conseil de l’Europe. En effet, malgré la diversité des politiques et des structures législatives propres à chacun des États européens, ceux-ci sont d’accord pour reconnaître les méfaits du pillage illicite des sites archéologiques (cf. en mars 2009 l’European Archaeology Concilium a réuni les chefs des services archéologiques de 46 pays autour du thème de la « Black archaeology »).
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2 Ces données sont issues du rapport de l’association Halte au Pillage (HAPPAH) remis en 2009 au Conseil national de la recherche archéologique. 3 Source : site Internet de l’association Halte au Pillage : http://www.halte-au-pillage.org/.
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